Les Melkites depuis le 18ème siècle
Envoyé en Orient par le pape Grégoire XIII, l'évêque titulaire (latin) de Sidon, Leonardo Abel, Maltais, entre 1583 et 1587, gagna à la foi catholique le vieux patriarche émérite d'Antioche, Michel VII, qui démissionna en 1582 et se retira à Alep. Il est très probable que cette mission de l'évêque maltais remonte à la constitution à Alep d'un petit noyau catholique, dont le nombre s'est progressivement accru lorsque les Jésuites et les Capucins (1625), puis les Carmes (1626) ont ouvert des résidences à Alep. En 1634, le patriarche Euthyme II (Karmé) envoie sa profession de foi catholique à Rome, mais meurt avant de recevoir la confirmation papale. En 1653, il y avait environ 7 000 catholiques à Damas. En 1664, Macaire III (Zaim), patriarche d'Antioche de 1637 à 1672, imite l'exemple d'Euthyme II, mais sans se déclarer publiquement, et sans interrompre ses relations avec les autres patriarches orthodoxes. En 1687, Athanase III (Dabbas), concurrent de Cyrille V (Zaim), fait de même, puis se retire en 1694 à Alep, ville devenue la citadelle du catholicisme en Syrie. En 1701, le métropolite de Beyrouth et l'évêque de Baalbek adhèrent formellement à la foi catholique. Ceux qui étaient en communion avec Rome étaient devenus assez nombreux pour que la Congrégation pour la Propagation de la Foi (de Propaganda Fide) nomme ouvertement, en 1684, le métropolite de Tire et Saïda, Euthyme Saïfi (disciple des Jésuites et catholique de cœur depuis longtemps), administrateur apostolique des catholiques melkites dispersés dans le Patriarcat d'Antioche ; ce métropolite, fondateur de l'ordre basilien du Saint-Sauveur, fut un grand propagateur du catholicisme en Syrie en dehors de Damas et d'Alep. En 1716, le patriarche Cyrille V, jusqu'alors opposé à Rome, ayant été gagné par son ami Poullard, consul de France à Saïda, envoya sa profession de foi catholique à Rome, en même temps que l'évêque de Seidnaya, Gerasimos, puis mourut en 1720, laissant le Patriarcat à Athanase III. Ce dernier, bien qu'il se soit montré favorable aux catholiques lors de sa retraite à Alep, se comporte ensuite différemment. À sa mort en 1724, le parti catholique, devenu assez puissant, s'empresse de choisir comme patriarche, à défaut du métropolite Euthyme Saïfi (mort en 1723), son neveu Séraphin Tanas, qui prend le nom de Cyrille VI. Les Grecs de Constantinople lui opposèrent immédiatement le Chypriote Sylvestre, et une lutte acharnée s'engagea pour la possession du patriarcat. Expulsé de Damas, Cyrille VI trouve asile au Liban, alors semi-indépendant. L'union avec Rome put facilement s'étendre au Liban et resta toujours solide à Alep et à Damas, malgré les persécutions parfois violentes ; dans le reste de la Syrie, l'opposition de la hiérarchie orthodoxe paralysa les efforts, tandis que les successeurs de Cyrille VI étaient tous des Melkites autochtones, ceux du Grec Sylvestre étaient tous des Grecs jusqu'en 1899, année durant laquelle le parti autochtone, soutenu par la Russie, parvint à exclure les Grecs. Dans les Patriarcats d'Alexandrie et de Jérusalem, les catholiques melkites, dispersés et en petit nombre, étaient confiés aux franciscains de la Custodie de Terre Sainte. Le 19 mai 1772, à la demande du clergé et des fidèles, Rome les confia, en tant qu'administrateur apostolique, au patriarche grec melkite catholique d'Antioche, qui résidait alors au Liban. En 1832, les Égyptiens s'emparent de Damas et de toute la Syrie, qu'ils conservent jusqu'en 1841. Profitant de cette situation, le patriarche Maximos III (Mazloum), élu en 1833, revint à Damas en 1834 ; jusqu'à sa mort en 1855, il passa une bonne partie de son patriarcat à préparer puis à appliquer, non sans de vigoureuses luttes, l'émancipation civile qu'il avait obtenue de la Sublime Porte pour son Église en 1848. En 1838, il avait obtenu du pape Grégoire XVI le privilège personnel de porter, en plus de celui de patriarche d'Antioche, les titres de patriarche d'Alexandrie et de Jérusalem. En 1894, le pape Léon XIII étendit la juridiction du patriarche grec melkite catholique, au-delà des limites des trois patriarcats, à ses fidèles vivant dans le reste de l'Empire ottoman. L'introduction trop hâtive du calendrier grégorien par le patriarche Clément I (Bahouth), en 1857, fut le prétexte d'un petit schisme causé en réalité par d'autres raisons, et rapidement absorbé par la sage administration (1864-1897), prudente et énergique du patriarche Grégoire II (Youssef-Sayyour), sous laquelle la communauté grecque-melkite catholique fit de grands progrès, surtout dans les régions de Tripoli au Liban et de Jdeidet Marjeyoun ; sous ses successeurs, de Pierre IV (Géraigiry) à Cyrille IX (Moghabghab), ce progrès s'étendit notamment à la Galilée, à la Transjordanie et à la région de Homs, en compensation des graves pertes causées par la famine de la première guerre mondiale et des émigrations qui en découlèrent. Dans le même temps, ces patriarches ont dû faire face aux conséquences, dans tout le Proche-Orient, de la décomposition de l'Empire ottoman et de la guerre civile.